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Interview - Olivier Delacroix "Journalistes et footballeurs en sont arrivés à des extrêmes"
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Autour du PSG

Interview – Olivier Delacroix « Journalistes et footballeurs en sont arrivés à des extrêmes »

Depuis plusieurs décennies, la relation footballeurs-médias est tendue. Dans cet entretien, Olivier Delacroix, supporter du Paris Saint-Germain et journaliste, revient sur sa passion du ballon rond et donne des pistes pour tenter de recoller les morceaux.

Delacroix « Rien de marcher pour aller au Parc, voir tous les gens se diriger vers cette enceinte, il y a vraiment un truc inexplicable. »

Vos plus beaux souvenirs au Parc ? 

C’était durant une période noire de ma vie. J’ai perdu mon fils il y a seize ans… j’ai ce souvenir d’être resté six mois sans rire, sans avoir la moindre sensation de plaisir, de joie. Un jour, on m’a un peu tenu la main, forcé à aller au stade. Mes potes m’ont dit : »allez, il faut que tu sortes ». Je suis allé voir PSG OM, celui où Pauleta marque le long de la ligne de touche, proche du poteau de corner, ce but d’anthologie à Fabien Barthez. A ce moment-là j’ai explosé avec tout le stade, je me suis senti en vie. C’est pour ça que j’aime le stade, que je l’ai toujours aimé. Cette ferveur, il n’y a qu’au foot qu’on peut voir ça.

Comment expliquez-vous ce déclic ? 

Je crois qu’au moment où le stade explose, on vit tous la même chose, on est dans une sensation de joie, de bonheur. A ce moment-là, durant quelques secondes, on oublie presque qui on est. On est dans une communion de joie et de plaisir. Un court instant, on est dans l’état de lévitation, de jouissance… Rien de marcher pour aller au Parc, voir tous les gens se diriger vers cette enceinte, il y a vraiment un truc

Fans of PSG during the Ligue 1 match between Paris Saint-Germain and AS Monaco at Parc des Princes on January 12, 2020 in Paris, France. (Photo by Anthony Dibon/Icon Sport) – — – Parc des Princes – Paris (France)

inexplicable. J’aime cette idée de communion. Pendant un court instant, tout le monde est sur la même longueur d’onde. Je crois beaucoup à l’effet de concentration d’humains dans un même endroit, à la communion des esprits, aux ondes, aux énergies qu’on s’envoie les uns aux autres.

Delacroix « Le foot est une guerre saine, mais c’est une guerre entre villes, de blasons, de fierté, d’égo. »

Le PSG de 2019 est-il PSG de votre enfance ? 

Non ce n’est pas le même PSG mais je vais vous dire un truc, Marseille n’est pas le Marseille qu’on a connu par le passé. Mais ce qui est sûr, c’est que le public parisien, fan de foot comme celui de Marseille, c’est le même. On entend souvent les supporters de l’OM dirent « le club est à nous » et ils ont raison. Il est à tous ceux qui payent leur billet, viennent, crient et chantent pour les couleurs de leur club. Je pense que s’il n’y avait pas cette pression du public, des gens qui aiment le foot et qui veulent voir une belle équipe chez eux, il n’y aurait pas tout ce business. C’est le public, les amoureux du foot qui font le foot. Le foot est une guerre saine, mais c’est une guerre entre villes, de blasons, de fierté, d’égo.

A 16 ans vous avez été repéré par le FC Rouen.  

Oui, je jouais à l’Évreux AC à l’époque. J’étais en Junior et on était allé jouer un match de Coupe de France contre le FC Rouen, l’ogre de l’époque. On avait joué au Stade Robert-Diochon, la première fois que je jouais sur de la moquette. On avait gagné 2-1 et j’avais été repéré par les dirigeants. A l’époque il y a un centre de formation, un sport étude. Mon père m’avait dit : »tu veux taper dans une balle toute ta vie ? » Il n’était pas d’accord avec ça. Et puis à l’époque, le foot n’avait pas cette dimension. Peut-être qu’aujourd’hui il aurait réfléchi. J’étais avant-centre en plus mais c’est sans regret.

Pourquoi ne pas avoir insisté ? 

J’avais une relation vraiment très forte avec mon père. Je l’écoutais assez. Il me disait « si tu tapes dans une balle toute la journée, c’est autant de temps que tu ne passeras pas à aller au cinéma, à écouter de la musique, à lire, à t’instruire, à te cultiver. » Même si j’étais bon, il savait qu’à côté de moi, il y en avait 30 ou 40 aussi bon. Il y avait peu d’élus même si je suis persuadé que si j’y étais allé, je serai devenu un très bon avant-centre. J’ai toujours voulu gagner. J’ai un tempérament de combattant.

Delacroix « Cette génération sait communiquer même s’il y a encore des progrès à faire. »

Vous êtes aussi un journaliste réputé pour son empathie. Ces dernières années, il y a une fracture entre les joueurs et la presse. 

C’est très compliqué. Je regarde l’Équipe 21 le soir. Je trouve qu’il s’y raconte une flopée de bonnes choses, mais aussi des conneries. Le footballeur, comme un personnage public se doit d’accepter d’être critiqué

Regardez le cas Neymar, le nombre de conneries, d'hypothèses qu'on a entendu

Olivier Delacroix during the UEFA Champions League Group C match between Paris Saint Germain and Liverpool on November 28, 2018 in Paris, France. (Photo by Baptiste Fernandez/Icon Sport)

et d’échanger de manière loyale. Il faut communiquer. Quand je vois des gens comme Thierry Henry, Ribéry, Benzema qui a un moment ne veulent plus parler à la presse française… c’est une erreur fondamentale. Si un journaliste vous a manqué de respect ou a adopté une attitude non professionnelle, il ne mérite plus que vous lui parliez mais un joueur professionnel complet se doit continuer de communiquer, parler avec les journalistes et échanger. Je préfère un mec comme Neymar qui communique, qui peut faire des erreurs plutôt qu’un joueur qui refuse du jour au lendemain de parler à la presse. Mbappé sait s’exprimer, c’est le cas de beaucoup de footballeurs depuis 3,4 ans. Cette génération sait communiquer même s’il y a encore des progrès à faire.

Concernant l’empathie envers des footballeurs… J’ai travaillé à la rédaction de Canal+ avec des journalistes sportifs et j’ai trop souvent senti à l’époque, une sorte de complexe par rapport aux salaires de certains footballeurs. Une espèce de jalousie malsaine qui faisait que dès qu’on pouvait se foutre de la gueule d’un footballeur parce qu’il ne savait pas aligner trois mots on n’hésitait pas… il n’y aura pas d’empathie dans ce jeu-là. Je ne sens pas l’empathie des journalistes envers les footballeurs et des footballeurs envers les journalistes. Attendre de l’empathie d’un joueur de foot ce n’est même pas la peine. Ils ont quand même cette faculté à rester en clan et le reste du monde n’existe pas. Ça a du vous arrivez d’appeler un footballeur et qu’il ne vous rappelle jamais. Il ne vous dit même pas qu’il a bien reçu votre message, il n’en a rien à foutre.

Bien sûr mais il n’y a pas que les footballeurs. 

Oui mais c’est quand même leur grande spécialité. D’ailleurs j’ai dit dernièrement à Bernard Mendy qui ne répondait pas à mes appels : »maintenant tu n’es plus footballeur, tu es journaliste. »

Delacroix « les journalistes ont joué un rôle prédominant » 

Pourquoi rencontrons-nous autant de problèmes avec nos footeux en France ? 

Concernant Benzema et Ribéry, je pense que la fracture est venue de ce que dégage régulièrement la France vis à vis des gamins de cité. En France, on juge rapidement les petits qui ont un peu l’accent racaille, qui ne savent pas très bien parler. Ribéry faisait beaucoup de fautes de français. Je dirais que la fracture vient essentiellement des journalistes qui n’ont pas su évaluer qu’ils n’avaient pas eu une bonne éducation et encore… je pense que Benzema a reçu une éducation plus riche que Ribéry. Je pense qu’on a jugé très vite ces joueurs-là. On leur a mis sur le dos des choses dont ils n’étaient absolument pas responsables, la débâcle de Knysnia (ndlr : Benzema n’y était pas)… et puis il y a eu Anelka, encore un petit gars de Trappes.

Donc il y a un manque d’empathie ? 

Oui, je pense que les journalistes ont joué un rôle prédominant et ces joueurs ont extrêmement mal vécu d’être jugé comme des petites racailles alors que c’était avant tout des sportifs de haut niveau. Ce sont loin d’être des racailles. Vous savez, on ne peut pas demander à un mec qui tape dans un ballon six heures par jour, à la diète, de parler comme Einstein, Bernard Henry Levy ou Yan Moix. Je trouve qu’on n’a pas été très empathique avec eux.

Comment recréer le lien ? 

Je pense que si nos footballeurs étaient aussi pompeux que les confrères du foot, il n’y aurait pas beaucoup de dialogues entre footballeurs et journalistes. Je trouve parfois que certains journalistes oublient ce qui ils ont à faire. Les propos tenus sur certains joueurs sont souvent violents. J’ai rencontré Pierre Menés dernièrement, c’est vraiment un homme adorable, j’aime l’écouter mais il y a des moments où il pousse fort. On a parfois affaire à des jeunes gens et quand on a 40, 50 ans, on se doit d’être plus mature et puis on est journaliste. Des deux côtés on en est arrivé à des extrêmes.

Pensez-vous qu’il y a un manque d’honnêteté intellectuelle de la part de certains journalistes ? 

Oui. Beaucoup de journalistes ont pris le melon. Le football est tellement exposé, médiatique que les journalistes sportifs le sont devenus aussi. Aujourd’hui regardez le nombre de noms de journalistes sportifs que l’on connait. Ils sont presque devenus des personnages publiques grâce au football. Au même titre que les joueurs, ils se doivent d’être de bons communicants.

Delacroix « Regardez le cas Neymar, le nombre de conneries, d’hypothèses qu’on a entendu. »

Mais une grosse partie du public semble friante de clash, de trash et de prise de positions extrêmes.

On peut dire qu’un joueur a raté son match mais on n’est pas obligé de dire qu’il a été nul. Regardez Thierry Roland à l’époque. Il est devenu médiatique et s’est au bout d’un moment permis des réflexions. Il n’a pas toujours été comme ça mais quand il a compris qu’il est devenu une voix qui pesait dans le « game », il s’est mis à déraper parfois. Pour tous les autres c’est pareil. Pourtant on a souvent affaire à des confrères intelligents, des plumes. Ce n’est pas pour vous cirer les pompes mais j’ai l’impression qu’à SO FOOT il y a quand même un respect et un vocabulaire… je me dis souvent que vous avez pris la vision générale du foot et que vous n’oubliez pas que ce sont des gamins.

Des conseils pour les futurs journalistes ? 

Il faut respecter les gens, footballeurs ou non et faire attention à ne pas tomber dans certains travers. A l’école de journalisme on apprend à aller chercher l’information et à la diffuser dans sa réalité. Ils doivent faire leur métier ou se déclarer plutôt…

Fan de foot ? 

Fan de foot ou amuseur public. A partir du moment où on donne son avis, il faut le justifier. Regardez le cas Neymar, le nombre de conneries, d’hypothèses qu’on a entendu, beaucoup voulaient se faire mousser. Je dirais qu’il y a un manque d’humilité, donc retour à l’humilité parce que certains l’ont oublié.

Nous remercions le journaliste Flavien Bories (So Foot) qui nous a donné cette interview. Retrouvez sa chaîne Youtube ici.

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2 Comments

  1. Psg 75

    18 février 2020 at 21:10

    Super boulot, bonne interview et personnage intéressant dans sa justesse d’ analyse.

  2. ben8

    18 février 2020 at 17:42

    J’adore ce mec, il a fait des put4ins de reportage, touchant et tellement vrai. Et puis il a évoqué des sujets un peu tabou a l’époque, dommage qu’on ai pas assez entendu parler de lui…

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