Autour du PSG
Interview Robbie Thomson (ex PSG TV) – Zlatan, Tuchel, Final 8 et des joueurs « simples »
Robbie Thomson, journaliste sportif australien, a une grande histoire avec le Paris Saint-Germain. Après un premier passage de plusieurs années comme traducteur du français vers l’anglais, il a été rappelé pour participer à PSG TV. Interviewer, présentateur et d’autres missions ont été remplies de 2013 à 2021 par ce passionné de football maintenant de retour en Australie. Au cours d’une interview d’une heure, on a pu revenir avec lui sur son parcours et ce qu’il a vécu avec Paris. Pour le confort de la lecture, cet entretien sera publié en 3 parties. Voici la première, avec son arrivée à Paris, le Parc des Princes, la façon d’approcher les joueurs, le Final 8 de 2020 et le coach parisien Thomas Tuchel (2018-2020).
L’interview entière en vidéo :
Thomson « J’ai vécu quelque chose d’exceptionnel. »
Comment vous êtes arrivés au Camp des Loges sur PSG TV en partant d’Australie ?
(Sourire) Effectivement, c’était un long, long chemin. J’étais journaliste sportif spécialisé dans le football en Australie en 2000 et j’ai décidé de quitter mon boulot et d’aller voir un peu le monde. J’avais un contact à Paris et je suis arrivé en 2000. J’ai vite dépensé mon argent (sourire), alors j’ai dû trouver un boulot. J’ai travaillé dans un bar, puis un autre, puis j’ai répondu à une annonce sur Eurosport. Je suis retourné dans le monde du journalisme.
Après 3 ans, j’ai quitté Eurosport et j’ai eu l’occasion de traduire le site du PSG du français vers l’anglais. Donc j’ai fait ça pendant des années. En 2011, je suis revenu en Australie pour commenter des matchs de championnat australien. En 2013, le PSG m’a appelé pour voir si je voulais revenir. Cette fois pas juste pour traduire, mais aussi pour produire l’émission This is Paris et faire des interviews. Ils avaient besoin d’un anglophone et j’étais déjà en contact avec le club. Et j’ai été abonné au Parc de 2000 à 2004. Et voilà. C’était de 2013 jusqu’à il y a quelques mois. J’étais au sein du PSG pour faire des interviews, des émissions et vivre ça de l’intérieur. C’était un Australien à Paris (rires).
C’était facile de dire oui au PSG ou c’était tout de même difficile de quitter l’Australie ?
En 2000, j’étais déjà fou de foot et je connaissais déjà le PSG. Avec notamment l’épopée de 1996, on a eu les images en Australie. C’était une grande équipe. C’était la première équipe à faire 6 victoires sur 6 en phase de poules. Et j’avais un ami qui m’avait envoyé une casquette du PSG en 1996.
En 2000, je suis arrivé et je voulais aller au stade. Auteuil était toujours complet, Boulogne était l’autre tribune la moins chère. Je n’avais pas beaucoup d’argent, donc j’ai essayé d’acheter des places en Tribune Boulogne. C’était 30-40 francs à l’époque, c’était rien. Je suis allé à la boutique proche du Parc, au Trois Obus. Mais personne ne voulait me vendre une place à Boulogne, car j’étais étranger et c’était un peu chaud. Mais j’ai insisté et finalement ils m’ont vendu des places en Tribune Boulogne. J’ai vécu quelque chose d’exceptionnel. C’était avant les problèmes…C’était une époque exceptionnelle. Il y a eu Ronaldinho…
Thomson « Je n’ai pas hésité, c’était une opportunité exceptionnelle pour un club que j’aime beaucoup. »
C’était une autre époque au niveau de l’ambiance ?
C’était un truc de malade. Il y avait des mauvais côtés, comme le match contre Galatasaray. Mais j’ai vu les matchs contre Milan, Marseille, l’ambiance était…Mais franchement, aujourd’hui l’ambiance est superbe.
Mais à l’époque, avec les virages pleins à craquer, avec Boulogne qui avait de la voix, des couleurs, c’était exceptionnel. Un match contre Nancy ou Valenciennes, c’était comme un grand match aujourd’hui. Mais c’est super en ce moment aussi (sourire).
Alors vous n’avez pas hésité à revenir ?
Non. En 2013, quand j’ai eu l’opportunité, le PSG était déjà champion avec Zlatan et Beckham. Je suis arrivé juste après avec Laurent Blanc, Cavani, Marquinhos. Je n’ai pas hésité, c’était une opportunité exceptionnelle pour un club que j’aime beaucoup. Mes enfants sont à moitié français et australiens.
Il y avait l’opportunité d’interviewer des joueurs comme Thiago Silva, Zlatan, Lavezzi, Pastore, Verratti, c’était un truc fou. Il y avait Blaise Matuidi aussi. C’était quelque chose (rires).
Thomson « Ils préfèrent parler de votre vie, de leur vie en dehors du terrain. »
C’était difficile d’être concentré au début, de laisser le côté « supporter » de côté pour ne pas se perdre en émotions ?
Il ne faut surtout pas être fan, mais il faut aussi très vite accepter qu’ils sont juste des hommes et femmes comme nous. Vous êtes là pour faire un travail et le joueur t’apprécie beaucoup plus si tu lui parles comme un être humain d’égal à égal. Tout le monde me parlait de Zlatan, mais dès qu’on est arrivé j’ai fait une petite blague, j’ai parlé, je n’étais pas impressionné. Il veut toujours s’imposer, j’ai joué le jeu et le rapport était bon. Si tu étais bien avec lui, tu étais bien globalement (rires).
C’est ce que vous retenez, que les joueurs restent « simples » ?
Absolument. C’est essentiel de comprendre ça. Même si, à l’époque, quand Neymar est arrivé c’était une étape en plus. Messi, que j’ai vécu pendant 4 mois, c’était encore plus. Les gars sont très simples, normaux. Mais ils doivent faire attention à tout ce qu’ils disent, font. Ils valent beaucoup, beaucoup d’argent. Tout vaut quelque chose à quelqu’un. Donc il faut les respecter, garder une distance, ne pas les embêter. Mais une fois avec eux dans un avion pour aller au match, il faut être normal. Ils préfèrent parler de votre vie, de leur vie en dehors du terrain.
Thomson « on était enfermé, dans une bulle. »
Vous avez eu beaucoup de temps pour les côtoyer en dehors des interviews pour leur parler normalement ?
Je garde un contact avec les gars. A l’époque, quand je suis arrivé, il y avait toujours les Bodmer, Chantôme, Gameiro, c’étaient les gars « normaux », très sympas. Il y avait aussi Douchez, Jallet. Ce ne sont pas des stars mondiales, c’est différent. Chaque époque est différente. J’étais souvent à côté de Maxwell dans l’avion. C’est un mec génial. On reste en contact, on prend des nouvelles des familles, on parle.
Presnel (Kimpembe, ndlr) aussi, il prend soin de tout le monde au club. Les cadreurs, les chefs en cuisine…C’est très facile avec lui. J’ai pu lui envoyer un message pour son but (contre Vannes en Coupe de France, nldr). C’est sympa. Avec d’autres, c’est différent. Mais dans les avions, au Final 8 au Portugal…Cela a été quand même 9 ans. Même si tu as peu de temps au quotidien avec tout le monde, c’est beaucoup de temps. J’ai eu Marco Verratti, le passage de Javier Pastore c’est quelque chose.
Vous retenez que du positif du Final 8, ou par moments c’était dur ?
(Sourire) Par moments, c’était dur. Mais quand tu regardes en arrière. Tu ne prends que du positif. C’était quelque chose d’exceptionnel à vivre. Le plus dur, j’y pensais hier, c’est que ce n’était que 10 jours, 2 semaines. On a passé une semaine à Faro pour l’entraînement. On a croisé John Terry, il était au même endroit. Mais on était enfermé, dans une bulle. On ne pouvait pas quitter l’hôtel. On ne pouvait rien faire.
On vivait quelque chose d’exceptionnel. J’ai parlé avec les kinés, tout le monde, on voulait aller au bout de la Ligue des Champions. Un moment comme ça, personne ne l’avait vécu. Tout le monde était excité. Il y avait tellement d’émotions, en étant enfermé, que parfois tu te dis que tu voulais juste sortir ou rester dans la chambre. Mais au final, ce n’est que du positif.
Thomson « Ce n’était plus pareil quand Zlatan est parti, il n’y avait plus cette ambiance dans le vestiaire. »
L’ambiance dans le groupe a été beaucoup évoquée à ce moment, vous avez pu sentir qu’il était vraiment soudé ?
Oui, clairement. Il faut dire que c’était un truc sur lequel l’entraîneur Thomas Tuchel a beaucoup travaillé. Il y a eu la fameuse triple fête après laquelle Navas a dit « c’est comme ça qu’on va gagner la Ligue des Champions ».
J’ai passé beaucoup de temps à réfléchir au PSG (sourire). Pour moi, il y a Laurent Blanc qui a très bien géré un vestiaire compliqué. Il a laissé le vestiaire tout seul. Il y a un mâle alpha, Zlatan, et ses lieutenants avec Motta, Maxwell, Thiago Silva, Matuidi, Verratti. Et le vestiaire s’auto-gérait. Il n’y avait pas de problème d’ego, car il y avait un patron indiscutable. Il y avait forcément des « victimes » de ça, avec des gens qui se sentent moins bien, qui ne sentent pas qu’ils ont une opportunité. C’est normal, cela fait partie du football. Ce n’était plus pareil quand Zlatan est parti, il n’y avait plus cette ambiance dans le vestiaire.
Et peut-être qu’avec Navas, Neymar, Kylian qui montait à cette époque, c’était quelque chose de très fort. Tu n’y arrives pas sans ça. Quand tout le monde dit qu’il n’y a pas besoin d’être amis, en parlant du Real Madrid de Raul, Redondo et Anelka qui gagnait sans qu’ils soient amis, je pense qu’ils avaient quand même quelque chose. Sinon, tu n’y arrives pas.
Ce Final 8, c’était…Tu n’as pas besoin d’être copain avec tout le monde. On n’avait pas Thomas Meunier, on n’avait pas Edinson Cavani, qui ont fait beaucoup de chemin avec nous. Mais il y avait quelque chose de vraiment très fort.
Thomson « C’est un boulot qu’un être normal ne peut pas faire. »
Tuchel semblait plus tendu à la fin devant la presse, vous le sentiez aussi quand vous lui parliez ? C’était plutôt à l’extérieur ?
Je pense, franchement, qu’il y avait…Avec nous, moi et Ambre, il était toujours très sympa. Il était à l’aise, il était dans un environnement de soutien. On était tous dans la même équipe. On ne cherchait rien de controversé, pas de polémique. Mais on essayait de parler de football, de tactique et de l’ambiance du côté positif. Mais on était dans la même pièce quand il parlait à la presse quand il balançait les choses. Quand il a commencé à parler de Leonardo, de problèmes, on dit « aie, il a un message à faire parler ».
Il y a une autre chose à comprendre. Ils sont tous très intelligents. Ils ne parlent pas par hasard. Après, il y a des choix, de faire passer un message ou pas du tout, comme c’est le cas en ce moment. Ce sont des gars intelligents, qui connaissent très bien le métier, comment ils peuvent parler aux médias ou pas.
Mais le truc avec Thomas Tuchel, c’est qu’il avait du mal avec le côté politicien au PSG. Il ne parlait pas que de l’intérieur, mais aussi de la communication avec l’extérieur. Tu es un peu comme le Premier Ministre ou le Président quand tu es entraîneur du PSG. Tu es attaqué de tous les côtés. C’est un boulot qu’un être normal ne peut pas faire, ça c’est sûr. Je ne veux pas être joueur de foot après tout ce que j’ai vu, en étant tellement célèbre, ni entraîneur de football. Car tu attends juste d’être viré (rires).
C’est vrai que c’est un peu toujours comme ça qu’est la fin pour un entraîneur dans un club, il est viré.
Oui, presque toujours. Cela finit presque toujours mal, mais tu dois faire de ton mieux pour gagner, alors que tu sais que tu vas finir mal, même s’il peut y avoir des moments exceptionnels. Je pense que Tuchel a tout misé sur le Final 8. Ce qu’on a vécu après, en enchaînant la saison avec le Covid, c’était l’enfer. Il y avait Thiago Silva et Choupo-Moting qui partaient. Avant, on a tout donné pour le Final 8.